Texte rédigé par Madame BARON Jeanne ancienne habitante de Pommiers la Placette.
Pommiers, petite commune située sur la vieille route de Chartreuse qui, au temps des diligences par la vallée de la Roize, débouchait sur la hauteur au lieu-dit « l’Ancienne église » où se trouvaient l’église et sa cure, le cimetière, l’école et la mairie. Avant de rejoindre le Col, elle permettait une halte à « l’Auberge de l’Ange » au hameau du Buissert. Chateaubriand en parle dans Les mémoires d’outre tombes.
Trop modeste sans doute malgré ses 1691 ha, la commune de Pommiers n’inspire guère l’historien, l’ethnologue ou autre sociologue…Pas d’histoire écrite sur Pommiers. Aussi faut-il chercher dans celles de nos voisins (Voreppe, les Chartreux, le Dauphiné) les péripéties guerrières, administratives ou économiques qui font l’Histoire d’un pays. Mais les « petits » sont si souvent oubliés quand on parle des « grands » qu’il est à craindre que notre histoire, ainsi picorée dans les miettes des autres, soit un peu moins riche qu’elle ne le fut réellement. La chronologie peut être fastidieuse…Prenons les choses autrement et remontons le passé avec des fils conducteurs thématiques…Je vous en propose trois : Les invasions et les guerres, l’Administration (au sens large) et l’économie locale.
Les invasions et les guerres :
220 avant J.C, les habitants de Pommiers (s’il y en avait) ont-ils entendu passer Hannibal, ses 100.000 guerriers et ses 60 éléphants dans la plaine de Voreppe comme ils entendent aujourd’hui passer le TGV ou simplement le Lazer ? En 140 avant J.C, la première invasion romaine bat les Allobroges, ces gens venus du nord voir même d’Angleterre qui s’étaient arrêtés…dans nos vertes campagnes. Des romains…il nous reste paraît-il, quelques dalles de pierres dans les bois de Ratz dénommées « voie romaine ».
1333 : le Dauphin GUIGUES VIII qui veille sur ses terres et les défend contre son expansionniste voisin, le comte de SAVOIE (qui tient depuis 1107 le Voironnais et maintient sous pression la garnison du château de Perrière) a décidé de mettre fin aux incursions trop fréquentes des troupes savoyardes sur la commune voisine…Pommiers. Le 23 août 1333, GUIGUES est en reconnaissance sous le château de Perrière. Il reçoit un garot d’arbalète dans la poitrine et mourra quelques heures plus tard à son campement lorsqu’on lui retira le projectile du corps. Mais sa mort galvanise ses compagnons d’armes (Clermont, Valbonnais…) qui détruisent le château et dispersent ou exterminent la garnison.
1814 : les souverains de l’Europe, les « alliés » de l’époque achèvent d’abattre l’Aigle impérial…Le nord de la France est envahi par les Prussiens et les Russes ; à l’est, les Autrichiens par Genève, la Franche Comté, le Bugey et la Savoie, poursuivent les troupes françaises qui, des Echelles se replient (le 31/01/1814) sur le défilé du Crossey et le Col de la Placette. La position , bien que renforcée, ne fut pas attaquée de front par les Autrichiens. « …de ce côté (cf cap. Debelle) l’ennemi avait renoncé à nous inquiéter depuis le jour où il perdit un détachement tout entier, engagé dans un sentier escarpé » Il nous en reste le « cimetière des Autrichiens » dans les gorges du Bret. Le 2 avril Voreppe est attaquée par la plaine de Moirans et la Buisse. La bataille durera jusqu’à 16 heures du soir et la ville ne sera épargnée du pillage et de l’incendie que par le versement d’une forte rançon en argent et vivres. Le détachement de la Placette, quant à lui, rejoignit les troupes françaises du Colonel CUBIERES entre la Buisserate et Pique Pierre en évitant Voreppe.
1914-18 : la Grande Guerre ne passe pas à Pommiers mais elle fauche 12 de ses fils, tués sur les champs de bataille de la Marne, des Ardennes où d’ailleurs et lui en rend quelques autres blessés, gazés ou invalides pour le restant de leurs jours.
1940 : les troupes d’Hitler, par un curieux rebondissement de l’histoire, reprennent le chemin des Autrichiens de 1814 pour envahir notre région…Le 23 juin 1940, les soldats allemands débouchent au Col de la Placette venant des gorges du Bret et pourchassent jusqu’au hameau des « Routes » et dans les bois environnant les soldats Français en retraite qui cherchaient la même voie de dégagement vers Grenoble que leurs prédécesseurs de 1814… La longue et douloureuse Résistance à l’occupant de 1940 à 1945 n’épargna pas notre commune dans ses opérations punitives vers les maquis de Chartreuse.
L’ Administration :
Nous savons que le mandement de Voreppe embrassait la commune du même nom et celle de Pommiers et qu’il formait un fief de franc-alleu (affranchi de toute servitude) relevant directement du Dauphin et du Roi (cf mémoire de François SAPPEY). Nos propres documents d’archives : parcellaires, registres paroissiaux puis d’état civil ne nous permettent pas de remonter au-delà du début du XVIIème siècle.
En 1789 premier découpage cantonal qui érige Voreppe en chef-lieu laisse Pommiers dans son orbite et lui ajoute les communes de la Buisse, le Fontanil, Mont Saint Martin, St Julien de Ratz et Veurey. Ce canton de Voreppe n’aura qu’une existence éphémère puisqu’il est démantelé en 1802 au profit des trois cantons limitrophes : Grenoble nord (Mont Saint Martin et Fontanil), Sassenage (Veurey) et Voiron (Voreppe, la Buisse, Pommiers et St Julien de Ratz). En 1852, le Conseil municipal de Voreppe adresse une supplique au Préfet de l’Isère, au ministre de l’Intérieur, au Prince Président pour demander le rétablissement du canton supprimé par arrêté des Consuls du 9 Brumaire an X. Cette supplique démontre la cohérence, le bienfondé et l’intérêt pour Voreppe du canton dont elle était le chef-lieu mais l’éloquence de ses auteurs ne convainquit pas plus l’autorité du moment que les démarches postérieures n’eurent d’influence sur les découpages successifs… Pommiers Près Voreppe par décision du Conseil municipal du 29 décembre 1931 demande à s’appeler Pommiers la Placette afin d’éviter les erreurs de courrier en raison du grand nombre de Pommiers dans le département. Pommiers, petite commune, ne peut agir et prospérer seule. L’association avec d’autres communes lui a été nécessaire dans le passé, aussi bien pour le captage et la distribution des eaux que pour l’exploitation de ses forêts, son électrification ou bien d’autres prestations ou services qu’elle ne pouvait assumer seule. Le 3 janvier 1968, elle entre au Syndicat d’études des problèmes d’urbanisme de l’avant pays de Chartreuse. Puis le 4 juillet 1969 elle entre au Syndicat Intercommunal de Réalisations de l’avant pays Chartreuse. Enfin le 29 avril 1976 elle entre au Syndicat Mixte d’Aménagement du Voironnais.
L’économie locale :
L’influence des Chartreux est incontestable dans notre région. On sait que ces hommes de cultures et d’horizons divers ont su au fil des siècles « éclairer » et stimuler l’économie locale. Ces maîtres de forge et ces bâtisseurs ont impulsé :
L’exploitation du bois, aussi bien pour la construction que comme combustible de fonderies,
L’exploitation des carrières et des mines,
L’engrangement du foin dans des bâtisses que beaucoup voudraient habiter aujourd’hui si nous avions su les conserver en état,
La culture de la vigne dont la dernière a été arrachée récemment.
La mine de charbon de Crozet est restée en exploitation jusqu’avant la guerre de 1914. Elle a conservé son entrée dans les gorges de la Roize. Sa galerie et un puits ont été bouchés par une dalle en raison des risques d’accidents. En 1940, une étude a été faite pour essayer de la remettre en exploitation mais sans succès. En contrepartie, les Chartreux ont grignoté les propriétés communales comme en attestent les multiples procès et contentieux sans fin qui les opposaient aux communautés qu’ils « éduquaient » dans le même temps.
Pommiers commune rurale, semble avoir traversé les siècles ayant précédé l’industrialisation sans connaître la grande misère des campagnes. Par contre, l’industrie fait basculer son économie car les richesses nouvelles ne l’atteignent pas. Les usines s’implantent en plaine près des voies de communication ou des sources d’énergie, Les commerces se regroupent dans les bourgs et quittent les campagnes, Ses produits se dévalorisent. Le bois est remplacé par d’autres combustibles. Les fromages et autres produits laitiers ne sont pas élaborés en quantité suffisante pour une commercialisation intensive.
La double conséquence de cet état de fait est une chute importante de la démographie. De 683 habitants en 1836, la population décroît régulièrement pour atteindre le nombre de 308 habitants en 1911, 253 en 1921 et 157 en 1968. A partir de cette date s’amorce une remonté avec 412 habitants en 1982. La vie à la campagne s’organise différemment par la création de petites exploitations rurales. Les ressources des ménages sont complétées par la sous-traitance à domicile (la ganterie en particulier) et le travail des hommes en usines et entreprises voisines (Voreppe, Moirans, Voiron). C’est le creux de la vague de la première moitié du XXème siècle qui durera Jusqu’à la Seconde guerre mondiale.
Le tourisme, cette industrie d’un nouveau genre, ne peut malheureusement concerner une commune comme la nôtre car l’altitude ne permet pas un enneigement suffisant pour le ski, la montagne environnante n’offre pas de parois favorables pour l’alpinisme, le sous-sol ne fournit pas une eau exploitable en thermalisme. Par contre la qualité du cadre de vie pourrait être l’argument publicitaire du renouveau de la commune pour attirer une population désireuse de fuir la pollution des grosses agglomérations.