L’église du village de Saint-Julien-de-Ratz possède une remarquable Chaire à prêcher accrochée au mur nord de sa petite nef.
Cette Chaire est inscrite au titre des monuments historiques par arrêté préfectoral du 26 janvier 2001.
La partie la plus ancienne de cette Chaire se compose d’un ambon dont le plan est hexagonal et d’une console en cul-de-lampe qui lui sert de support. Ces deux éléments datant vraisemblablement des années 1615. Le dossier, l’abat-voix et l’escalier, quant à eux, ne datent que de 1876, date à laquelle ils furent ajoutés par le sculpteur-décorateur grenoblois Ferdinand Rostaing qui, pour mener à bien son travail, s’inspira des motifs de l’ambon qu’il restaurait.
La Chaire est ornée d’arabesques, de rinceaux et de grotesques sculptés en relief et dorés sur des fonds peints en vert et noir. Au centre du panneau de face, encadré de deux feuilles d’acanthe qui lui servent de cartouche, apparaît un écu aux armes de Raymond d’Espéaute, trésorier général de France en la Généralité de Dauphiné de 1633 à 1658, sans doute donateur de l’œuvre. Les panneaux sont encadrés de moulures. La frise qui sépare la corniche des panneaux est ornée de palmettes et de rinceaux. L’absence complète de toute figuration de saints personnages, la sévérité du décor pourrait induire l’œuvre d’un sculpteur protestant. (Jean Carles menuisier-sculpteur protestant qui habitait Grenoble vers 1604?).
A la question: pourquoi une telle œuvre d’art dans une modeste église de campagne ? La réponse doit être recherchée dans les soubresauts de l’histoire nationale. Cette chaire à prêcher, don de Raymond d’Espeaute à une église conventuelle de la ville de Grenoble, a été victime de la tourmente révolutionnaire. En effet le 2 novembre 1789 l’Assemblée Nationale Constituante, sur proposition de Talleyrand évêque d’Autun, prend un décret qui met les biens du clergé à la disposition de la Nation pour rembourser les dettes de l’État. Beaucoup de meubles sont alors vendus à vil prix. C’est à ce moment qu’un dénommé Cottavoz, habitant Saint Julien-de-Ratz acquiert aux enchères pour treize francs cette Chaire à prêcher, la transporte en son village et l’offre à l’église de sa paroisse à l’époque du concordat (concordat de 1801 signé entre Bonaparte et le pape Pie VII) et de la restauration du culte la sauvant ainsi d’un désastre programmé.
Ce meuble a certainement souffert de ses pérégrinations et l’on comprend qu’une restauration se soit imposée et que l’on ait profité de celle-ci, en 1876, pour compléter le meuble. Le coût total de l’opération se monta à mille cent cinquante francs, l’État participant à hauteur de quatre cent cinquante francs, le restant de la somme étant réunie au moyen de souscriptions particulières. Aujourd’hui force est de constater que des soulèvements de polychromie sont visibles dans la partie basse et sur la face interne de l’ambon. Par ailleurs l’escalier, en noyer, présente des problèmes de structure, pèse sur l’ambon le tirant vers le sol tandis que les marches sont attaquées par des insectes xylophages.
Il sera sûrement nécessaire, et du devoir des élus, de se pencher de manière plus attentive, dans un proche avenir, sur l’état de ce joyau artistique de la fin de la Renaissance et d’obtenir une expertise plus avancée précédant une éventuelle restauration.
Rolland GUILLAUD